Claudine Maurin Mouillot a réalisé 16 portraits d’hommes.
Chaque portrait est le fruit d’une rencontre.
Une rencontre en forme d’invitation.
Invitation à entrer dans l’ici et maintenant des modèles approchés.
Les hommes sont photographiés chez eux, en noir et blanc.
Leurs environnements de vie se révèlent imperceptiblement à travers un jeu subtil de toile de fond, diversement disposée de photo en photo, derrière les modèles. Fond qui tantôt voile, tantôt dévoile ce qui fait la qualité des « mondes » de chacun. Le pouvoir d’évocation est grand. Chaque photographie est une composition à part entière : les lignes de fuites croisent celles des regards, des univers s’ouvrent, des histoires se racontent… L’œil voit au-delà de ce qui est montré, l’espace déborde, l’observateur perçoit plus que ce qui est relaté… Il y a des chemins à suivre, des visages qui parlent, des expressions qui racontent…
Claudine offre à chacun de ses modèles un espace à investir : ses prises de vue s’accompagnent en effet, pour chaque portrait, d’un texte et de deux autres photographies. Des photographies qui datent d’hier. Souvent prises en couleurs, autrefois. La mise en perspective d’ensemble interroge notre rapport au temps et opère un véritable renversement : alors que le temps d’hier est ici encore présent, celui d’aujourd’hui semble s’alimenter d’un avenir peut-être déjà passé ? Aussi, est-ce avec une authenticité désarmante que la photographe nous met face à l’évidence de l’existence qui à la fois s’affirme avec éclat et disparaît déjà…
Fugace.
Dans la continuité des « Portraits de femmes » qu’elle a réalisés en 2020, Claudine poursuit le travail d’investigation qui est le sien. Car la photographe cherche quelque chose : dire le temps certes mais également la simplicité des vies « ordinaires », révélées dans l’instantanéité de la rencontre. Dévoiler la beauté de chacune d’elles, leur grandeur, leurs forces et leurs vulnérabilités. Le travail de Claudine est un travail tout en nuances qui révèle et met in fine sur le devant de la scène ce qui, en général, échappe ou laisse si peu de traces : la discrétion de l’un, la douceur de l’autre, la joie d’une réussite, l’originalité d’une expérience, la force d’une passion, l’éclat d’un rire partagé…
Son approche du masculin est sensible, délicate, respectueuse. Les modèles choisis par Claudine l’ont compris : ils sont sincères, confiants et s’abandonnent volontiers à la confidence. Plutôt que de « vrais hommes », ce sont des « hommes vrais » : des hommes qui livrent une part d’eux-même sans esbroufe ni excès. Aussi, à la question de savoir ce que c’est qu’être un homme aujourd’hui, chaque portrait répond par la singularité : singularité des visages, des postures, des discours… Un éloge du masculin se dessine peu à peu dans l’ouverture à autre chose que la « Virilité » à laquelle on pourrait s’attendre… De ce point de vue, le travail de Claudine est très humain, très accessible, très beau.
Dans le texte qui accompagne chaque portrait, sans ostentation ni familiarité, Claudine donne voix à ses modèles. Elle cueille des bribes d’intimité, des petits évènements, des valeurs défendues, des mots simples qui, pour chaque homme rencontré, disent le sel de leurs personnalités. Une part de mystère – celle que recèle chaque vie aussi humble qu’exceptionnelle – se donne à vivre et à partager.
C’est émouvant, cela sonne juste.
Stéphanie Byache